eau-forte
39,3 x 27,2 cm (cuvette)
Inscr. : Ericis odio Omnibus propter nomen meum, qui autem sustinuerit in finem, bis salvus erit ; Cor meum jungatur vobis ; Filii mihi sunt ; Nomen meum & cor meum ibi cunctis diebus.
2020.7.002
© Photo : RMN-Grand Palais (musée de Port-Royal des Champs) / Franck Raux
BACHAUMONT, Mémoires secrets, 17 novembre 1777 : "Les adversaires des Jésuites ne cessent de s'occuper d'eux. Ils montrent aujourd'hui une estampe prétendue frappée par cette Société, & ils y joignent une explication , par laquelle ils veulent faire connoître qu'elle est un emblème symbolique de leur systême & de leur projet de rétablissement. C'est une piece curieuse au demeurant, qui mérite quelques détails."
20 novembre 1777 : "Dans l'emblême symbolique de la Société, on voit au haut les trois personnes de la Trinité, avec les images corporelles que les peintres ont coutume de leur donner. Elles témoignent l'intérêt qu'elles portent à la Société, en montrant de la main le cœur divin où elle a pris naissance & où elle réside toujours. Ce cœur, ainsi que celui de Marie, réunis, occupent le centre de l'estampe. 1 La Sainte-Vierge, un peu plus bas, leur présente les chefs & les principaux députés des Jésuites. Par son attitude & l'air de son visage, elle exprime sa douleur de l'état où ils sont réduits.
Ces chefs & députés du côté du Marie, & à ses pieds, sont Ignace & Saint François Xavier, reconnoissables par les attributs qui les caractérisent, & au-dessous d'eux les représentans de l'Empire, de la France, de 1’Espagne, &c. Celui de l'Empire tient une tête de mort surmontée d'une couronne Impériale.
A droite sont les députés des Jésuites de toute la terre. Leur ministere a été de porter la Croix de Jesus-Christ, de la planter sur l'un & l'autre Hémisphere, &maintenant ils en sont chargés par l'oppression où ils gémissent, mais ils montrent à leurs confreres les cœurs de Jesus & de Marie, leur consolation, leur asyle & le centre de leur gloire.
La crise pénible où le trouve la Société, est représentée par un vaisseau qui est dans la partie inférieure de l'estampe, portant un pavillon orné du chiffre de l'Ordre de Jesus. Ce navire est sur une mer en courroux, battu de tous côtés par les flots: l'ancre est attachée à la poupe ; il n'est plus possible de la fixer en aucun endroit ; mais le navire subsiste malgré la tempête, & jamais il ne pourra être submergé. Les Jésuites qui sont dedans, tiennent toujours de la main les cordages de la voile symbolique, que le vent enfle, & dont ils tâchent de diriger la violence en leur faveur.
Au bas encore de l'estampe, à droite, est un jeune homme conduit par un ange. Son attitude, ses gestes, ses efforts pour s'élancer sur le vaisseau le désignent comme un prosélyte fanatique, attendant le moment de s'agréger au corps dispersé. Son existence errante, ainsi que celle de la Compagnie, est indiquée par l'habit de pèlerin dont il est revêtu. Diverses épigraphes ou inscriptions développent ces images allégoriques. Au haut de l'Estampe on lit : Filii mihi sunt [Ce sont mes enfants]. Par ces paroles de la Genese, Dieu atteste hautement que les Jésuites sont la famille privilégiée de Jésus-Christ. Nomen meum & cor meum ibi cunctis diebus [Mon nom et mon cœur sont là tous les jours]. Celles-ci sont relatives à leur nom de Société de Jesus & à la fête du Sacré Cœur qu'ils ont instituée ; autre circonstance que caractérise encore cette troisieme devise: Cor meum jungatur vobis [Mon cœur est uni à vous]. Enfin la derniere légende est : Ericis odio Omnibus propter nomen meum, qui autem sustinuerit in finem, bis salvus erit [Vous serez haïs de tous à cause de mon nom, mais celui qui persévérera jusqu'à la fin sera deux fois sauvé]. Ainsi, c'est pour le nom de Dieu qu'ils souffrent, qu'ils sont détestés ; mais cette persécution passera, & ils triompheront enfin.
On ne peut croire qu'il y ait aucune tête Jésuitique assez folle dans ce siecle pour imaginer une composition aussi extravagante & d'aussi mauvais goût. Il est plus vraisemblable que leurs ennemis auront voulu ainsi s'égayer à leurs dépens, en calquant cette allégorie, controuvée sur plusieurs autres du même genre, enfantées en effet dans les tems ou dominoit ce génie romanesque & emblématique."
© Musée de Port-Royal des Champs
Acquis par l'État auprès de la galerie Mas en 2020.
Explication de l'emblème symbolique de la Société, et de ses projets de rétablissement. (25 septembre 1777), s.l., s.n., 1777, in-12, pièce.
Louis Petit de BACHAUMONT, Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la république des lettres en France: depuis MDCCLXII jusqu'à nos jours, Londres, chez John Adamson, 1784, tome 10, p. 284-286.
NNEE, 11décembre 1777.
Auguste CARAYON, Bibliographie historique de la Compagnie de Jésus, Paris, A. Durand, 1864, p. 493, n°3775.