ETIAM CRUCI AFFIXA ADORANDA VERITAS . LA VERITE DOIT ÊTRE ADOREE, MÊME ATTACHEE A LA CROIX.
burin ; eau-forte
H. : 29,6 ; L. : 19,7 cm (cuvette)
Ni signé ni daté
1952.3.057
© Musée de Port-Royal
Cette gravure a pu être faite d'après un tableau perdu dont une petite version (qui pourrait être le modelo) a été retrouvé au cours des années 2010 et acheté par le musée en 2020.
Elle est construite comme une sorte de grand portrait collectif, réunissant les principales personnalités jansénistes «appelantes», c’est-à-dire rejetant la condamnation de Pasquier Quesnel par la bulle Unigenitus de 1713 au nom de l’indépendance de l’Eglise gallicane. Le personnage principal debout, désignant la croix de la main, pourrait être Louis-Antoine de Noailles (mais il est habillé en noir et non en rouge) et peut-être Christophe Desangins, immédiatement derrière lui. A ses pieds, Jean-Charles de Ségur, évêque de Saint-Papoul, agenouillé qui refuse les honneurs épiscopaux. La figure de prêtre, l’étole croisée, semble être également un portrait, tout comme le personnage magistrat de profil derrière la Croix (Jérôme de Pâris ?) et le personnage assis en train d’écrire ou de dessiner (Retout lui-même ?). On voir également une figure de chartreux de dos et une figure de carmélite (sainte Thérèse d’Avila?). Le diacre Pâris (1690-1727) et Jean Soanen (1647-1740), évêque de Senez, sont placés dans le ciel en position d’intercesseurs.
Cette gravure a été étudiée par Odette Arnaud (1930) qui attribuait l’invention de la composition à Pierre Subleyras, puis par Christine Gouzi (2014) qui y reconnaît l’univers et le style de Jean Restout. Les lettres de la traditionnelle inscription « INRI »sont curieusement disposées : on y lit J.N / RJ., que Christine Gouzi propose de lire verticalement comme J R pour Jean Restout et N J. comme Jacques-Nicolas Tardieu, graveur qui collabora au milieu des années 1730 aux illustrations de la Vérité des miracles de Louis Basile Carré, avec Charles-Nicolas Cochin.
Les livres posés au pied de la croix sont : les Réflexions morales de Pasquier Quesnel, au bas de la lettre, et les Hexaples ou les six colonnes sur la Constitution Unigenitus… avec l’histoire du livre des réflexions morales du P. Quesnel, & de ce qui s’est passé au sujet de la Constitution Unigenitus, Amsterdam, Potgieter, MDCC.XXI, écrit par Pasquier Quesnel, Laurent Boursier, Jean-Baptiste Le Sesne d’Etemare et Jacques Fouilloux.
La longue prière inscrite au bas de la composition est extraite des Plainte et protestation du père Quesnel contre la condamnation des cent-une propositions avec un ample exposé de ses vrais sentiments, opposés aux sens erronés qui lui sont faussement imputés dans l'instruction pastorale de XL évêques, s.l., sn., M.D.CC.XV, p. 12-13.
Lettre de la gravure :
ETIAM CRUCI AFFIXA ADORANDA VERITAS. LA VERITE DOITÊTRE ADOREE, MÊME ATTACHEE A LA CROIX
Ô VERITÉ éternelle crucifiée dans votre chair par les hommes charnels ! Un de vos serviteurs m’a appris que vos Véritez doivent être adorées même attachées a la Croix. Je révere donc de tout mon cœur ces veritez Crucifiées avec Vous, O Jesus mon Sauveur ; je les révere comme percées avec les clouds des plus injustes censures, couronnées d’épines par les opprobres des // faux Chretiens, abreuvées pour ainsi dire, de fiel & de vinaigre par les insultes de leurs ennemis. O mon Dieu, si vous daignez soutenir ma foiblesse par votre grace toute puissante, j’espere que jusqu’au dernier soupir je ne relacherai jamais rien de l’attachement que vous m’avez donné de vos Véritez saintes & évangeliques, et ce seroit ma gloire d’en être le martyr à votre exemple. Amen Amen.
Pasq. Ql Elévation à Dieu sur la condamnation des 101.Propositions, à la tête de sa Protestation en 1715.
Œuvre en rapport : peinture (2020.3.001)
© Musée de Port-Royal des Champs
coll. Ribardière ; coll. Ribardière ; acquis par l'État avec le domaine des Granges, 5 mai 1952.
Odette ARNAUD, « Pierre Subleyras » dans Louis Dimier, Les peintres français du XVIIIe siècle. Histoire des vies et catalogue des œuvres, Paris, Bruxelles, G. van Oest, 1930, t. II, p. 90.
Olivier ANDURAND, "Fluctuat nec mergitur, les hésitations du cardinal de Noailles", CRMH, n°24 : Bon gré mal gré : les échanges interconfessionnels dans l’Occident chrétien (XIIe-XVIIe siècles), 2012, p. 298, fig. 3 (reprod.).
Christine GOUZI, « La bulle Unigenitus vue par l’estampe au XVIIIe siècle : entre contestation et explication », Les Chroniques de Port-Royal, 2014, p. 305-321.